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« La zone CEMAC peut devenir la prochaine grande région de production de fer au monde.»

« La zone CEMAC peut devenir la prochaine grande région de production de fer au monde.» 
  samedi, 12 avril 2014 04:18 

(Agence Ecofin) - Serge Yanic Nana, président & CEO de Financia Capital, lead advisor et financial advisor de l’Etat camerounais pour le projet  de fer de Mbalam, analyse les enjeux de l’annonce de l’accord d’achat, par le trader Noble, du fer que produira Sundance.

Agence Ecofin : Quel impact peut avoir l’annonce de Noble Group Ltd d’acheter 50% de la production de Sundance  pendant les dix premières années de sa production ?
Serge Yanic Nana : L’accord entre Cam Iron et Noble Resources porte plutôt sur un contrat d’achat ferme de 100% de la production de fer de Mbalam issue des mines de Mbarga au Cameroun et de Nabeba au Congo, soit 35 million de tonnes par an sur une période de 10 ans à compter de la mise en production des deux mines avec une clause de diminution des quantités en fonction des acheteurs dits prioritaires. Les acheteurs locaux camerounais auront une priorité d’achat de 15% de la production de la mine de Mbarga. Les partenaires et investisseurs dans le projet ont aussi une priorité de 35%. Ce qui induit que, si le marché local absorbe son quota et si les partenaires du projet achètent leur quotte part, alors Noble s’engage à diminuer ses achats jusqu’à 50% de la production. C’est donc un accord flexible qui garantit qu’il n’y aura pas de production non vendue pendant les 10 premières années de production du DSO (Direct Shipping Ore). 

AE : Y-avait-il un risque de non commercialisation du fer de Mbalam et de Nabeba ?
SYN : L’importance d’un tel contrat est énorme car le risque de commercialisation du minerai, qui est un des principaux risques du financement du projet, est entièrement mitigé. La solidité financière de Noble Resource, (le trader de matière première ayant la plus forte capitalisation boursière, USD 3 milliards), rassurera les prêteurs sur la capacité financière de Noble à respecter ses engagements. Le projet Mbalam a franchi une des plus importantes étapes de son développement depuis la signature de la Convention Minière entre CamIron et l’Etat camerounais en novembre 2012 et depuis l’obtention du permis d’exploitation congolais délivré en décembre 2012. Si on résume ce contrat d’achat, les traders viennent d’annoncer au marché financier international que : (1) ils ont de l’appétit pour le fer du Cameroun et du Congo (2) ils mettent les garanties financières en place pour les achats futures, et (3) ils ont déjà des clients (aciéries) qui attendent ce fer. Sundance, le Cameroun et le Congo doivent maintenant s’activer car les annonces de ce type ne viennent pas tous les jours. La zone CEMAC à une opportunité unique devenir la prochaine grande région de production de fer au monde. Je considère que c’est d’un enjeu stratégique pour l’avenir de notre zone car elle regorge de ressources immenses. Nous pouvons dans 15 ans exporter 100 millions de tonnes de fer de la zone CEMAC. Et c’est dans cet esprit régional et stratégique que les termes des différents accords et conventions ont été négociés. Nous ne devons plus réfléchir comme un pays qui développe ses ressources, mais plutôt une région qui développe son potentiel.

AE : L’accord de Sundance avec Noble indique que cette entreprise achètera le fer que produira Sundance au tarif international standard. Le Cameroun recevra dans ce projet des royalties (2,5% du CA) qu’on évalue à 4000 milliards de FCFA pendant 25 ans. Ceci sur la base des hypothèses d’une tonne de fer à 63 dollars. Alors, quand dans l’accord il est mentionné vente du fer au tarif international standard, cela veut dire concrètement à combien ? 
SYN : Les royalties de 2,5% du Cameroun sont basées sur le code minier camerounais relativement au prix carreau-mine calculé à partir du prix FOB Kribi. Mais, l’importance d’indexer le prix de la tonne sur le Platts va au-delà des royalties, car si le prix du fer augmente, alors les marges de profits de Cam Iron seront plus importantes et par conséquent l’Etat percevra beaucoup plus d’impôts sur les sociétés qu’anticipés et plus de dividendes sur sa participation au capital. Noter que toutes les infrastructures reviennent au patrimoine de l’Etat après 25 ans.
Le contrat d’achat signé par Cam Iron porte sur un prix du fer basé sur l’indice de référence Platts IODEX 62% Fe CFR North China, qui est un indice international en matière de trading de fer. Ce prix inclut des coûts de fret pour une livraison aux ports de la Chine du nord avec une normalisation du coût du fret sur le port de Qinqdao en Chine.

AE : Comment sera déterminé le Prix FOB Kribi au Cameroun ?
SYN : Le Platts IODEX 62% définit aussi les standards de livraison en termes de la qualité du fer au plan de ses composantes chimiques et de ses composants physiques.
C’est à partir de ce prix que sont déduits les coûts de fret pour déterminer le Prix FOB Kribi au Cameroun. Le coût du fret actuel Lolabé (Kribi) pour le nord de la Chine est estimé à environ $25 à $30 avec la particularité que les coûts de frets ne répondent qu’à une logique d’offre et de demande des navires. Le BIMCO index (Baltic and international maritime council) est la référence pour ces coûts de fret et on peut observer des variations de +/-30% de ces coûts d’une année à une autre. La simulation à $63/tonne de fer dont vous faites référence est un scénario pessimiste qui a testé la capacité du projet à résister à un choc dû à la baisse des cours du fer, et dans cette hypothèse, le projet Mbalam est resté robuste, car il a des coûts logistiques et de transports très compétitifs.
Le projet Mbalam reste donc bancable si jamais les cours mondiaux du fer plongent vers les $90 voire $80/tonne, ce qui réconfortera les prêteurs. Les revenus de l’Etat camerounais varieront en fonction des cours mondiaux (comme c’est le cas pour toutes les ressources naturelles).

AE : Il y a aussi l’équation du chemin de fer…
SYN : Toute la complexité du projet réside dans la structuration et la construction des infrastructures ferroviaires et portuaires de sorte à maîtriser les coûts logistiques en dessous de $30/tonne pour rendre le fer camerounais et congolais véritablement compétitif. En fait, ce projet est plus un projet d’infrastructures qu’un projet minier, le volet minier étant rapidement maitrisable.
Le prix du fer se situe actuellement à $116/tonne et le BREE australien (Bureau of Resources and Energy Economics), qui est une sorte de think thank stratégique du gouvernement australien pour les questions énergétiques et minières, dans son dernier rapport, projette à court et moyen terme une baisse du cours du fer vers $109/t du fait de l’augmentation des niveaux de production. Les gisements africains qui verront le jour à moyen terme seront les plus attractifs en termes de qualité du minerai et de coûts logistiques. Mbalam fait partie de cela. (…) »

AE : Pourquoi d’après-vous Sundance ne réussit-il pas toujours à avoir un partenaire sûr pour concrétiser ce projet et surtout pour la construction du chemin de fer ?
SYN : Souvenez-vous que de 2011 au début 2013, Sundance a négocié sous la supervision des autorités australiennes et chinoises avec un partenaire chinois pour la sécurisation des investissements de ce partenaire dans Sundance et dans le projet Mbalam. Il s’avère que cette négociation a échoué. Depuis un an, Sundance a restructuré son approche du projet. Les récentes annonces publiques faites par Sundance indiquent que la société est en phase avancée de négociation avec des partenaires pour la construction du chemin de fer et du terminal minéralier. Nous en saurons plus dans les mois à venir. Avec l’annonce de la signature du contrat d’achat avec Noble, on peut considérer que le développement du projet avance positivement. Par ailleurs, 2012 et 2013 ont été des années difficiles pour les sociétés minières, les cours des métaux se sont effondrés. Le cours du fer est remonté sensiblement en fin 2013 début 2014 et semble se stabiliser entre $110/t et $120/t. On est loin des $190/t de 2008. Dans un tel contexte de tension sur les prix du fer, il est plus difficile de mener un grand projet à terme.

AE : D’après-vous, où en est-on aujourd’hui avec la mobilisation des ressources financières pour le projet de chemin de fer qui sera construit ?
SYN : Sur le volet mobilisation des financements, les discussions sont en cours et sont très complexes. Il s’agit de mobiliser cinq milliards de dollars d’investissements pour la première phase. Cela nécessite la production d’une documentation considérable, tout doit être minutieusement structuré pour que les prêteurs accordent les crédits. Maintenant que le Off-Take agreement est signé, les discussions vont s’accélérer, car on a une visibilité sur la vente de la production.

AE : Le Cameroun bénéficiera d’un droit de transit important sur les minerais qui seront transportés via ce chemin de fer. Par le passé on a vu des droits de transit assez ridicules pour les infrastructures de transport installées au Cameroun. Quels sont les éléments et les pourcentages précis qui font la différence du chemin de fer qui sera construit pour ce projet ?
SYN : La structuration des concessions ferroviaires et portuaires pour ce qui concerne le volet tarification appliquée aux sociétés minières actuelles et futures a fait l’objet d’une attention particulière pendant les négociations. Vous avez raison, le passé n’a pas toujours été favorable au Cameroun dans ce domaine. Pour ce qui concerne le projet Mbalam, les expériences passées ont été longuement étudiées pour nous assurer que les clauses concernant les utilisations des infrastructures soient désormais plus équilibrées. Les accords obtenus sur ce chapitre sont prometteurs et le Cameroun dispose aujourd’hui d’un cadre tarifaire des infrastructures du projet Mbalam unique en la matière sur le continent.

Propos recueillis par Beaugas-Orain Djoyum


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