21.6.13

Cameroun: Leçons de Cameroon International Mining and Exhibition Conférence (CIMEC, 2013)




nterview

Interview de Dr. Fuh Calistus Gentry, Secrétaire d'État auprès du Ministre des Mines, de l'Industries et du Développement Technologique, et Président du Comité d'Organisation.
Quels résultats immédiats pourrait-on attendre de la conférence internationale sur l'industrie minière au Cameroun ?
Le Cameroun a eu le privilège de se positionner au niveau africain comme l'un des leaders dans le secteur minier et nous avons l'intention d'organiser de tels événements sur une base annuelle. Pour cela, nous voulons, avec le temps, en faire un forum pour favoriser les rencontres avec les investisseurs, représentants de laboratoires miniers et compagnies minières et tous les experts du monde entier pour des échanges d'idées et de bonnes pratiques, pour une bonne réalisation de leurs projets. Nous souhaitons également faire du Cameroun un point de concentration pour les négociations et l'excellence dans les transactions minières en Afrique. En effet, cette conférence a regroupé en un seul lieu 450 participants avec 72 exposants venant d'Europe, de Chine, de la Corée, du Canada, de l'Australie, des Etats-Unis, de l'Afrique du Sud, du Ghana et bien d'autres pays africains. Je pense que ce tout premier coup d'essai a été un succès impressionnant.
Concrètement, pouvez-vous nous citer quelques contrats financiers que vous avez pu négocier grâce à cette conférence et qui pourraient faciliter la réalisation de certains projets miniers au Cameroun ?
L'une des choses qui ont longtemps freiné la maturation de nos projets est l'absence d'industries et infrastructures associées au secteur minier. Si nous prenons le cas des laboratoires et compagnies de forage, vous seriez sans doute surpris d'apprendre que lorsque nous envoyons un échantillon en Irlande, nous devons attendre quatre mois pour que les résultats nous soient renvoyés, alors que si de tels laboratoires existaient ici comme c'est le cas au Ghana, quarante-huit heures seraient un délai suffisant pour obtenir ces résultats. Nous avons réussi à réunir toutes ces compagnies en un seul lieu : MineLab d'Irlande, ALS d'Australie, des sociétés de forage de France et d'ailleurs. Ce sont là des retombées très importantes, en plus des avantages financiers. Bien entendu, nous avons aussi eu des investisseurs venant de l'Australie, de la Chine, de la Corée et de l'Europe. Vous avez pu constater que la salle des conférences était pleine à craquer pendant les trois jours.
L'un des objectifs de la conférence était de présenter au monde entier le potentiel du Cameroun en termes de ressources minières. Pouvez-vous nous donner une idée de ce potentiel ?
Cette question revient très souvent, car les gens veulent avoir une idée des avantages que ces ressources rapportent. Prenez le cas des réserves de bauxite : nous sommes le deuxième pays en Afrique après la Guinée. Nous avons 1,1 milliard de tonnes à Ngaoundéré-Ngaoundal, un excédent de 50 millions de tonnes à Fongo-Tongo, 4,5 milliards de minerai de fer de faible teneur à Mbalam et plus de 250 millions de tonnes de minerai direct brut de mine (directement commercialisable). Entre Mbalam et Kribi, nous aménageons un couloir ferroviaire et nous avons quatre autres gisements alignés le long de cette voie ferrée ; nous avons les gisements de Nkout, de Ngovayang, des Mamelles de Kribi et le gisement de fer de Ntem, tout juste à 100 km de Kribi.
Alors que d'autres découvertes continuent d'être faites, nous sommes en mesure d'affirmer que le Cameroun se situe dans la zone définie comme la principale ceinture de fer d'Afrique et qui traverse le Gabon et le Congo. D'autres gisements de fer dispersés se situent à Mayo-Binka dans la Région du Nord-Ouest. Vous voyez donc que le potentiel est énorme. Le Cameroun est sûr de disposer d'au moins 10 milliards de tonnes de minerai de fer pour ce qui est des réserves connues. Si nous ajoutons à cela l'or et le diamant à l'Est, l'uranium au Nord, le nickel-cobalt de Lomié (le plus grand gisement de cobalt latéritique au monde) vous conviendrez avec moi que le Cameroun dispose d'un potentiel lui permettant de prétendre à une position de leader mondial. De plus, de par sa position géographique stratégique de pont entre l'Afrique Centrale, occidentale, du Nord et du Sud, sans oublier son statut de pays bilingue (anglais-français), le Cameroun dispose de tous les atouts requis pour devenir un pôle d'excellence pour les négociations en matière minière sur le continent africain.
Il existe une grande confusion par rapport aux chiffres qui sont diffusés au sujet de nos réserves de diamant. Nous avons appris que C&K Mining a publié l'information selon laquelle les réserves du Cameroun se situent à 420 millions de carats, soit le double de toutes les réserves mondiales réunies. Cette information a été par la suite démentie. Quelle est donc la situation réelle ?
En matière de recherche minière, il existe différents degrés de certitude pour évaluer une quantité : il est question de parler des choses qu'on ne voit pas. Il existe des méthodes conventionnelles permettant de vérifier si les gisements sont prouvés. Pour la prospection d'or par exemple, les sondages ou puits creusés doivent être séparés de quarante mètres au moins pour permettre d'affirmer qu'un gisement est prouvé. Ainsi, lorsqu'une compagnie est sure d'avoir découvert quelque chose, elle peut faire une déclaration en s'appuyant sur leurs découvertes initiales, sans ignorer qu'un travail de profondeur reste à faire. Lorsque nous accordions le permis à C&K Mining, il était très clair qu'ils avaient découvert des réserves prouvées de diamant alluvionnaire. Or les réserves en conglomérat dont vous faites allusion sont classées dans la catégorie des réserves géologiques. Parmi les clauses du cahier de charge prescrit tand dans la convention minière que le permis d'exploitation de C&K, il est question que cette dernière investi un minimum de 2,5 millions de dollars dans les travaux de recherche complémentaires afin de transformer ces réserves géologiques en réserves prouvées. La société C&K exécute actuellement ces travaux en conformité au programme établi.
Des plaintes circulent selon lesquelles bon nombre de sociétés minières au Cameroun opèrent dans des zones protégées : dans quelle mesure les problèmes environnementaux ont-ils été pris en compte et soulignés au cours de cette conférence ?
Il importe que les gens sachent que pour chaque projet minier, il y a ce que nous appelons les études de faisabilité et d'impact environnemental. Quel est le but recherché ? Supposons qu'un minerai soit découvert dans une localité comme Kumbo. Nous devrons nous poser quelques questions, en l'occurrence, dans le cas où cette ressource représenterait 100 fois le PIB de notre pays, quel sera l'impact de ce projet ; s'il sera nécessaire de déplacer cette ville de son emplacement actuel, si cela changera la situation de notre pays pour les cent prochaines années. C'est pour cela que lorsque des ressources sont découvertes dans le sous-sol de certaines villes¸ ces dernières sont déplacées à cause de l'étude d'impact environnemental. Mais au cas où les quantités sont négligeables, pour quelle raison faudrait-il déplacer les populations si l'impact n'est pas important ? C'est pourquoi nous disons que l'impact ne concerne pas seulement la protection de l'environnement, mais il s'agit aussi de l'importance du projet, s'il vaut la peine d'être mis en œuvre et aucune étude préliminaire n'est négligée.
M. le Ministre, vous semblez si optimiste quant aux perspectives du Cameroun à développer son secteur minier, alors que nous sommes informés que les investisseurs qui ont déjà obtenu des parts de ce marché, par exemple dans le cas du projet de Mbalam, ont commencé à se rétracter.
Dans des circonstances comme celle-là, je crois que les journalistes devraient prendre la peine de se rapprocher de nous et de nous poser la question suivante : « il nous a été rapporté que telle société Chinoise a décidé de se retirer ; pourquoi ? » Et vous obtiendrez des explications très concrètes. La société dont il est question est une société privée chinoise qui avait acheté des actions dans une société australienne pour environ 19% et voulait en fait acheter toute la société. Elle avait donc besoin de l'appui des banques chinoises pour bénéficier de tous les leviers financiers nécessaires. Elle détient encore ses 19% dans cette société. Mais, en aspirant au stade de la prise de contrôle, cette société a eu un problème à cause de son caractère de société privée : en chine, les banques étatiques soutiennent surtout les sociétés publiques, et comme dans ce cas précis, il s'agissait d'une société privée, les banques publiques avaient une certaine réticence à la couvrir. Cela n'a rien à voir avec la valeur du projet en soi. Le fait est simplement que la société chinoise en question a eu des problèmes internes qui ne l'ont pas permis de tenir a leur engagements vis-à-vis les banques de leurs pays, et par conséquent, la société australienne Sundance Ressources. Je pense qu'il y a plusieurs personnes en ce moment-même qui sont prêtes à se joindre au projet, y compris des compagnies chinoises.
Au niveau de l'Assemblée Nationale du Cameroun, certaines de ces questions ont été soulevées, notamment, il se dit que dans la Région du Sud, des permis sont attribués à certaines sociétés pour la recherche, mais que ces sociétés procèdent à l'exploitation avec la complicité de quelques responsables de votre Ministère et des membres du Gouvernement qui les laissent piller impunément les richesses du Cameroun.
C'est pour cela que l'objectif de cette conférence ne consistait pas simplement à collecter des financements, et réunir des sociétés. Il était question d'information. Même en Angleterre et aux Etats-Unis, tellement de personnes manquent d'informations sur le secteur minier, parce qu'il s'agit d'un domaine très spécialisé. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que pour obtenir un gramme d'or, vous pouvez être amené à traiter jusqu'à une tonne de matériau. Si vous n'êtes pas une société minière, vous ne pouvez pas tout simplement vous rendre sur un site d'extraction d'or et voler facilement de l'or. Ce n'est pas un objet banal qui se trouve là sur le sol et qu'il suffit de se baisser pour ramasser. Il faut traiter le minerai et cela nécessite des installations. C'est pour cela que quand nous accordons des permis de recherche aux compagnies minières, cette recherche doit se faire selon des méthodes extrêmement spécifiques. Par exemple, pour effectuer un forage ayant une profondeur de cent mètres, le diamètre dont vous avez besoin est de 50 cm. Vous prélevez un échantillon que vous envoyez à l'étranger pour les analyses ;
Vous ne pouvez pas voler du minerai de fer. Vous ne pouvez pas exporter du minerai de fer parce que si cela était possible, nous aurions déjà commencé à en exporter. Nous ne le faisons pas parce qu'il s'agit d'une extraction toutes teneurs que vous devez transporter à Kribi et nécessairement par voie ferroviaire. Ainsi, si vous constatez que des artisans miniers exploitent cette ressource à petite échelle, vous pourriez être amenés à dire cela, mais ces personnes opèrent dans un cadre approuvé par le Ministère et le Parlement de ce pays. Les permis qui leur sont délivrés concernent la recherche et ne peuvent pas être utilisés pour l'exploitation à grande échelle.
Au vu des stratégies qui ont été élaborées au cours de la dernière conférence à Yaoundé, combien de temps faudra-t-il pour que le secteur minier camerounais commence à contribuer de manière significative au développement durable dans ce pays ?
Je voudrais que les Camerounais comprennent très bien que l'exploitation minière est un art où vous avez quelque chose que vous ne voyez pas et vous devez convaincre un financier à le financer et vous devez prouver sans le moindre doute que les quantités que vous avancez existent. Nous ne parlons pas de petits montants. Le projet de Mbalam est un investissement de 2,500 milliards de FCFA, cela équivaut au budget de ce pays. Donc, il y a une période d'investigation et d'évaluation et vous avez besoin de ce qu'on appelle l'étude de faisabilité bancable. La banque doit croire que ce que vous dites est vrai, certifié par des laboratoires internationaux, par des consultants internationaux. Cela étant, chaque projet a son propre calendrier. Aujourd'hui nous savons exactement quelle quantité de nickel-cobalt nous avons à Lomié. Mais nous avons eu un incident financier avec la première société et le projet est en train d'être renégocié ; je crois avec les Chinois. Si le financement était réuni aujourd'hui, nous aurons besoin d'environ deux ans pour construire l'usine et nous allons commencer à avoir du nickel-cobalt produit au Cameroun.
Il faudra construire 500 km de chemin de fer de Mbalam à Kribi, cela pourra prendre, pour le financement de la convention minière qui a été négociée, ils avaient 18 mois pour mettre en place le financement, 5 mois se sont écoulés et à la fin des 13 mois restants et si le financement est disponible, je suppose que l'on pourra prendre 4 ans pour construire les 500 km de rail. Le projet pourra alors commencer. Je peux dire la même chose de la bauxite de Minim Martap qui nous oblige à rectifier le tracé du chemin de fer entre Edéa et Kribi et une usine de traitement. Vous pouvez toujours mettre cela dans le même type de scénario, des projets tels que l'or de Bétaré Oya, une fois que la convention est terminée, ce sont des projets faciles qui peuvent démarrer dans un délai de deux ans. Voilà une image de ce que nous sommes en train de faire. Chaque projet a son calendrier. Les Mamelles de Kribi par les Chinois, ils croient que s'ils négocient leur convention, le projet démarrera dans un délai de trois ans parce qu'il n'a pas besoin d'un chemin de fer. C'est situé à Kribi. Voilà donc le scénario. Et les Camerounais doivent comprendre que chaque projet minier a sa période de maturité. Normalement on accorde un permis d'exploration pour une durée de neuf ans, trois ans renouvelables trois fois. Cela veut dire qu'il doit être perfectionné pour que les gens qui y mettent autant d'argent soient convaincus que la ressource est vraiment évaluée.
Vous êtes au Ministère des Mines, de l'industrie et du Développement Technologique nous parlons de l'exploitation minière au Cameroun mais nous n'entendons pas tellement parler de son aspect industriel. Est-ce que nous comptons n'exporter que les minerais bruts qui peuvent ne pas nous rapporter autant que s'ils avaient subi une transformation partielle.
Nous avons changé le Code minier pour nous assurer que 15% de tout ce qui est produit sera transformé localement. Certaines personnes estiment que c'est insuffisant. Mais lorsque vous imaginez qu'un projet comme celui du minerai de fer de Mbalam concerne 35 millions de tonnes de minerai de fer par an, pour avoir 15% nous devons fournir davantage d'efforts. Maintenant nous avons créé un projet appelé FECONAA. Je suis le président du Comité de pilotage dudit projet pour transformer le fer, le cuivre, le nickel, l'aluminium et d'autres métaux. Nous allons envoyer les gens en Europe, en Asie, partout pour établir le contact avec des sociétés en activité. Nous encourageons également les nationaux à créer des entreprises qui leur permettront de s'impliquer dans ce grand processus. Et si nous ne commençons pas maintenant, nous ne serons pas capables de le faire. Donc nous y travaillons.
Lorsque nous parlons de l'exploitation minière, le sentiment généralement répandu c'est que l'exploitation minière ne résout pas souvent les problèmes de la pauvreté. Parce que lorsque vous considérez un pays comme la RDC et l'Afrique du Sud, vous voyez des travailleurs constamment en grève. Est-ce que nous n'allons pas entrer dans le même cycle de salaires minables et sans rien tirer de nos ressources?
Dans mon discours pendant la cérémonie d'ouverture de la conférence, j'avais déclaré que dans certains pays l'exploitation minière est synonyme de malédiction. Dans ce pays, nous sommes en train de jeter les bases pour faire de l'exploitation minière une bénédiction. La Banque Mondiale nous a donné un programme institutionnel d'une valeur de 30 millions de dollars, soit 15 milliards de francs CFA pour développer les capacités. Nous avons l'Initiative de Transparence qui vise à assurer au Cameroun une distribution équitable de sa richesse à la majeure partie de la population à travers l'exploitation minière. Nous avons également le Processus de Kimberley qui permet d'assurer la traçabilité de nos métaux précieux, surtout les diamants. Le processus de Kimberley est né du fait que les nations avaient l'habitude de provoquer la guerre à partir de la vente du diamant. Nous avons de la chance parce que nous avons jeté les bases d'un cadre de la distribution équitable de la richesse minière avant même de démarrer l'exploitation.
Il nous a été rapporté que la CIMEC qui semble avoir fait prendre conscience de l'énorme potentiel du Cameroun est une initiative privée. Pourquoi les pouvoirs publics ont attendu si longtemps ce genre d'initiative privée sans engager des actions concrètes en vue de faire connaître au monde entier le potentiel camerounais ?
Nous avons commencé par faire le tour du monde. Je vais en Afrique du Sud chaque année, au Canada, à Toronto, aux EUA avec le Premier Ministre, en Angleterre, en Russie pour apprendre l'art d'une telle organisation. Maintenant, vous êtes les mêmes qui ne voulez pas que l'Etat dépense de l'argent. Nous avons fait recours à une initiative privée afin de laisser les partenaires mobiliser les fonds privés pour développer la conférence. C'est ce qui se fait en Afrique du Sud, à Toronto, etc. Nous voulons que les pouvoirs publics utilisent le peu d'argent que nous avons pour construire des hôpitaux. Nous voulons que le secteur privé assume ses responsabilités. Nous avons initié la conférence, mais nous avons sollicité le secteur privé pour la financer et cela a bien marché. Tout le monde est content. Nous croyons que cela ira grandissant. 40 000 personnes se retrouvent à Toronto pour faire les affaires pendant trois jours. Rien que le potentiel touristique pourrait dépasser le budget de ce ministère. Ce sont des innovations que nous faisons ; mais il nous fallait faire prendre conscience pour dire que le Cameroun le mérite et c'est pourquoi nous disons que nous sommes en train de le positionner comme leader dans l'industrie minière en Afrique en dehors de l'Afrique du Sud. Ceci est justifié par notre diversité en or, manganèse, diamant, minerai de fer, bauxite, cobalt, nickel etc... contrairement aux pays tel que le Ghana où nous avons seulement l'or et le manganèse comme principaux minéraux ; le Mali qui dispose surtout l'or. Il en est de même de notre position géographique bien centrée entre l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique du Nord, l'Afrique Australe et notre bilinguisme. C'est pourquoi nous sommes entrain de placer notre pays au cœur de cette industrie. Il a fallut du temps et de la planification. En ma qualité de Président du Comité d'organisation, il fallait que je consulte divers groupes dans le monde pour trouver la personne indiquée pouvant donner la meilleure image, créer le meilleur impact au moment opportun. Et je pense que nous avons vu que pour un coup d'essai ce fut assez satisfaisant.


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