jeudi, 16 octobre 2014 09:29
Une
étude menée par la Columbia Center on Sustainable Investment (CCSI) a
mis en évidence le fait que sur la base de la convention minière signée
entre l’Etat du Cameroun et Cam Iron, filiale de la junior minière
australienne Sundance Resources qui développe le projet de fer de
Mbalam, dans l’Est du Cameroun, les perspectives de revenus pour le pays
ne sont pas optimales, en raison des différents modèles de prélèvements
fiscaux adoptés.
Nicolas Meanling, l'expert indépendant de la CCSI ayant travaillé sur ce rapport à la demande de la coalition camerounaise «Publiez Ce que Vous Payez»,
plusieurs points de cette convention en rapport avec les revenus
fiscaux méritent des améliorations, qui pourraient permettre au
gouvernement camerounais de récolter plus de revenus dans des conditions
qui ne sont pas lourdes pour le projet.
«Le
modèle actuel suggère un taux de rendement interne élevé du projet et
des recettes publiques comprises dans la fourchette de la moyenne
mondiale. On pourrait faire valoir que le projet bénéficie du fait
d'être le premier investissement minier à grande échelle dans le pays,
avec la possibilité de débloquer d'autres projets miniers dans la région
grâce à de fortes dispositions relatives au partage des infrastructures
dans la convention», a expliqué M. Meanling
Il
note toutefois trois points qui méritent une réflexion particulière,
afin d’améliorer la fiscalité autour des projets miniers au Cameroun.
Premièrement, l'étude relève que le Cameroun dispose d'un régime fiscal
régressif où les recettes publiques baissent au fur et à mesure que les
revenus du projet augmentent. Ensuite, l'analyse estime que la décision
d'exonérer le projet de l’impôt sur les sociétés pendant 5 ans et
l’imputation des redevances à la valeur de la sortie de la mine
entraînera des pertes importantes en termes de recettes publiques.
Compte tenu des taux de rendement interne, qui à l'estimation sont
élevés (26%), ces incitations n'ont qu'un faible impact sur la qualité
de l'investissement, souligne l’étude.
Avantage des royalties sur l’IS
L'étude
indique enfin que l’imputation des redevances à la valeur de la sortie
de la mine et le fait de permettre le report des pertes sont propices à
de potentiels mauvais calculs. Aussi, l’étude suggère-t-elle que le
gouvernement du Cameroun veille à ce que les autorités fiscales aient la
capacité administrative appropriée pour superviser ces opérations,
d’une part, et travaille à l’augmentation de ses revenus en introduisant
un impôt sur la rente des ressources minières, d’autre part.
Cette
dernière suggestion a suscité de vives réactions auprès de
parlementaires camerounais présents lors de la restitution de l'étude le
13 octobre dernier à Yaoundé. Certains d'entre eux se sont montrés
confus, dans la mesure où le Cameroun a récemment adopté une loi sur
l’incitation à l'investissement privé, qui accorde justement des
avantages fiscaux aux entreprises. A leurs yeux, il est difficile de
déroger à cette disposition légale fusse-t-il dans le cadre de
conventions minières particulières.
Au
total, sur le projet de fer de Mbalam, les recettes fiscales non
actualisées pour le Cameroun devraient atteindre 4,97 milliards $
(environ 2500 milliards de FCfa), dont 67% générés par le prélèvement de
l'impôt sur les sociétés (IS) et 20% par les royalties. Une situation à
risque au regard des évolutions en cours dans plusieurs pays africains.
En Zambie, par exemple, le gouvernement envisage de réduire l'impôt sur
les sociétés difficile à collecter, et d’accroître plutôt le taux des
royalties (redevance à la production) plus maitrisables selon les
experts.
D'autre
pays comme l'Afrique du Sud ont préféré renforcer la participation du
gouvernement dans les projets miniers pour bénéficier d'un maximum de
retour sur investissement. Au Kenya, la mesure prise aura été celle de
réintroduire la taxe sur les gains en capitaux, qui permettra au
gouvernement de prélever 20% du fruit de la cession d'actifs par une
entreprise exploratrice à une entreprise exploitante.
Telles
sont autant de pistes que le gouvernement camerounais pourrait explorer
pour bétonner les futurs contrats d’exploitation minière, dans le cadre
de la révision annoncée du code minier du pays. Le nouveau projet de
loi y afférent pourrait d’ailleurs être déposé sur la table des députés
au cours de la session de novembre 2014.
Idriss Linge
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