(Agence
Ecofin) - Après une série d'avancées spectaculaires, le Royaume-Uni a
promis un tournant décisif, au G8, dans la lutte contre le secret
bancaire et l'évasion fiscale. Un système mondial d'échange automatique
d'informations est ainsi inclus dans la déclaration finale. Mais la
société civile, pessimiste, prédit déjà « un sommet des occasions manquées ».
La
fiscalité figure, avec la transparence et le commerce, parmi les trois
priorités de Londres, qui préside cette année le groupe des grandes
puissances (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Canada, Royaume-Uni,
Italie et Russie).
Le
sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, lundi et mardi en Irlande
du Nord, a été précédé de déclarations martiales. Le Premier ministre
britannique David Cameron a affirmé que « l'ambition » du G8 de Lough Erne était « d'abattre les murs du secret bancaire », par « des mesures concrètes ».
« Les paradis fiscaux doivent être éradiqués en Europe et dans le monde »,
a renchéri le président français François Hollande, très en pointe
depuis que son ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac a avoué avoir caché
de l'argent à l'étranger.
Le
contexte est favorable : la pression, qui semblait retombée après les
progrès de 2009, est à nouveau à son comble. D'abord, une nouvelle loi
américaine, dite Fatca, impose à toutes les banques de fournir aux
Etats-Unis toutes les informations sur tous les avoirs de tous les
contribuables américains. Et les révélations journalistiques des Offshore Leaks ont donné le sentiment que les jours de l'opacité étaient comptés.
Résultat :
certaines places fortes du secret bancaire, comme la Suisse, commencent
à vaciller. L'Union européenne, longtemps divisée, semble vouloir
refaire son retard, même si l'Autriche et le Luxembourg continuent de
traîner des pieds. Les dirigeants du G8 devraient donc appeler de leurs
vœux un « vrai système mondial d'échange automatique multilatéral d'informations », selon un projet de communiqué final. Mais sans mesure concrète.
L'autre
front ouvert par David Cameron concerne les stratégies des
multinationales pour échapper à l'impôt en jouant sur leurs filiales
dans des paradis fiscaux. Les révélations sur ces groupes qui ne paient
quasiment rien malgré des activités florissantes, de Starbucks à Google
en passant par Amazon ou Apple, se sont multipliées en Europe et aux
Etats-Unis.
En
Ulster, les grandes puissances, en panne de recettes budgétaires, vont
soutenir le plan d'action que présentera cet été l'Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE). Mais là aussi, les
vraies solutions attendront, d'autant que les intérêts divergent : « la France se focalise sur le numérique », tandis que « les négociateurs américains ne sont pas les plus allants », relève-t-on à Paris.
Reste
le point le plus sensible : les trusts et autres sociétés écrans, tous
ces paravents juridiques qui permettent de dissimuler les vrais
bénéficiaires d'un placement offshore.
Londres
a bien mis la transparence sur les bénéficiaires réels des sociétés à
l'ordre du jour, soulignant qu'il s'agit aussi de lutter contre le
blanchiment d'argent.
Pour
montrer sa bonne volonté, David Cameron a enjoint les territoires
d'outre-mer britanniques et les dépendances de la Couronne, souvent des
paradis fiscaux notoires comme les îles Vierges ou les îles Caïmans, de
rejoindre ses efforts. Sans résultat garanti, car certains, comme les
Bermudes, rechignent à signer l'accord soumis par le Premier ministre,
menacé d'un camouflet à la veille du G8.
Les organisations non gouvernementales (ONG) réclament « des registres publics des propriétaires et bénéficiaires réels des sociétés et autres structures juridiques », explique Mathilde Dupré, coordinatrice de la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires. « On en est loin », déplore-t-elle, soulignant que le communiqué final ne prévoit pour l'instant que de vagues « plans d'action nationaux ». « Sur les registres, Cameron a été incapable de transformer l'essai »,
estime pour sa part Guillaume Grosso, de l'ONG ONE fondée par la
rockstar Bono. Selon lui, Washington et Moscou ont milité contre ce qui
« aurait pu être la grande avancée du G8 ». « C'est une occasion manquée », prévient-il, « ces sujets risquent de retomber dans l'oubli ».
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